En généralisant le travail à distance, la crise sanitaire bouleverse les habitudes de travail et maintient actuellement à leur domicile deux salariés sur cinq.
Pour les entreprises qui n’avaient pas signé d’accord de télétravail, la situation est totalement nouvelle. Pour celles qui avaient déjà conclu des accords en ce sens, elle l’est également car ces accords ne dépassent pas quelques jours dans le mois et sont soumis à certaines conditions liées au type d’emploi ou au statut par exemple. Dans ces conditions le management de proximité doit se réinventer en adoptant de nouvelles pratiques et en faisant face à de nouveaux défis. Comment maintenir le lien alors que les contacts ne se font plus que virtuellement ? Comment s’assurer que les collaborateurs maintiennent la performance attendue ? Comment faire face à des situations différentes potentiellement perçues comme inégalitaires par ceux qui doivent rester à leur poste par rapport à ceux qui bénéficient du télétravail ? Comment entretenir le moral des troupes et continuer à fonctionner dans un environnement dégradé ? Quelle pédagogie mettre en œuvre pour expliquer les mesures récentes sur les horaires, les jours de congés, les RTT, … ? Comment préparer l’après ?
Le management à distance exacerbe la nécessité de démontrer certains comportements déjà critiques en période de croisière mais dont l’importance croît par gros temps.
Maintenir la confiance
Ils’agit en premier lieu de maintenir la confiance. Confiance dans la direction et sa capacité à gérer la situation, confiance dans l’équipe, confiance dans l’avenir.
Le manager continue d’avancer en première ligne et par son comportement, doit entretenir cette confiance. Cela passe par la capacité à communiquer avec transparence et régulièrement sur la situation, les chiffres, les résultats, les mesures prises, les prévisions. Il convient bien sûr de consolider cette confiance par des petits gestes d’exemplarité du quotidien, en tenant ses engagements sur les horaires des visio-conférences et leur agenda et en respectant le droit à la déconnexion. Le fait de travailler chez soi et avec des rythmes personnels nouveaux (accompagnement scolaire, repas, …) ne doit pas faire oublier les règles élémentaires notamment sur les envois de courriels professionnels le soir ou le week-end.
La confiance, c’est aussi inciter à leur tour les collaborateurs à s’exprimer à la fois sur leur activité professionnelle et leurs conditions personnelles. Quel est leur niveau d’énergie, quelles sont leurs craintes, comment vivent-ils le travail à distance, le chômage partiel ? Pour le manager, c’est accepter de faire preuve de vulnérabilité en verbalisant ce qu’il ressent face à la situation et partager une vision positive du monde qui vient. La crise ne durera pas et il y aura forcément un « après ».
Limiter le management en mode virtuel à la tenue de conférences à distance à heures dites serait bien entendu restrictif et les managers doivent s’habituer à utiliser ces moyens de communication de façon plus libre. Tout comme ils seraient entrés dans le bureau de leurs collaborateurs, ils peuvent les appeler ou leur envoyer un message, entretenant ainsi une forme de spontanéité.
A l’inverse, la distension du lien physique peut, pour certains, générer un sentiment de perte de contrôle et la tentation est grande de multiplier les points téléphoniques ou les vidéo – conférences pour s’assurer que l’équipe travaille. Le « micro – management » dans cette période vient au contraire saper la confiance et – loin d’encourager l’ardeur au travail – constitue un levier puissant de démobilisation.
Outre les réunions, les points individuels et de suivi des projets, les managers doivent faire preuve d’imagination pour organiser d’autres moments plus conviviaux. Ainsi les cafés et « happy hours » virtuels commencent à se propager dans les entreprises, fournissant des occasions supplémentaires de partage et d’échanges.
Empathie et imagination pour préparer l’après
Plus que jamais, le manager doit également faire preuve d’intelligence émotionnelle. En démontrant un intérêt authentique à tous les membres de son équipe, en les écoutant et en comprenant leurs contraintes et leurs préoccupations (enfants à la maison, anciens isolés, …), il peut resserrer la proximité avec ses collaborateurs et renforcer le sentiment d’appartenance.
Le confinement permettant de disposer différemment du temps, le manager peut en profiter pour développer la curiosité et l’imagination collectives. Il peut s’agir par exemple de remettre à plat les modes de fonctionnement et les rites, notamment le déroulement des réunions d’équipe. Réfléchir à plusieurs sur l’évolution de leur rythme, leur forme ou les sujets à y aborder permet de se réinventer ensemble et de trouver un second souffle sur des thèmes que l’on croyait épuisés. Les discussions autour d’articles et de vidéos intéressantes glanés sur le net peuvent également souder une communauté autour d’intérêts communs.
Au-delà des priorités immédiates (maintenir l’activité commerciale, réduire les coûts, compenser la perte de chiffre d’affaires, …), il convient aussi de réfléchir à « l’après ». A l’issue de la crise le monde ne sera certainement plus le même : le paysage concurrentiel aura été chamboulé, les comportements de consommation auront changé, le regard porté sur les sphères économiques, sociales et politiques aura évolué. Il est indispensable que le manager y prépare ses équipes en imaginant des scénarios pour gagner en vitesse et en plasticité.
Enfin, il faut valoriser la contribution et l’engagement de certains services. Par exemple, les services informatiques sans lesquels ni le maintien de l’activité ni le lien ne sont possibles, les équipes logistiques qui garantissent les approvisionnements, le personnel de production qui continue de produire les denrées indispensables, … Ces témoignages de remerciements et de félicitations ne seront pas oubliés. Cette crise sans précédent risque de refaçonner de façon durable le rapport au travail. Les managers qui auront réussi à maintenir la proximité et un lien managérial solide en sortiront grandis. Leurs équipes seront plus engagées car plus confiantes dans la capacité de leur encadrement à gérer la complexité et la surprise. Elles seront donc plus enclines à faire le pas de plus, faisant ainsi bénéficier leurs entreprises d’un avantage compétitif.